San Aketo : le vétéran
de Sniper se confie en solo

En 1997, il fondait le mythique groupe de rap français Sniper aux côtés de Tunisiano, Blacko et DJ Boudj. Presque 25 ans plus tard, il s'est lancé en solo et vient de faire paraître, en février dernier, son deuxième EP intitulé Monsieur Bourbier... Une conversation exclusive avec San Aketo ! PS : vous pouvez aussi écouter un podcast complémentaire dans lequel la question de la masculinité est abordée avec Aketo... Cliquez au dessus !

Par San Kerszner

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San Aketo : le vétéran de Sniper se confie en solo

Son studio est situé dans le troisième arrondissement de Paris, autant dire dans un quartier central de la capitale, rempli de bonnes adresses et notamment de bons restaurants. En période de crise sanitaire, impossible de s'attabler mais il est toujours possible de commander à emporter. Après avoir avalé un excellent sandwich falafel, je me suis dirigé, le ventre plein, vers le laboratoire d'idées du membre de Sniper. Une pensée m'a traversé : "Vais-je pouvoir faire face à un tel monument du rap français, alors que je suis en pleine digestion ?" Je me suis senti lourd, craignant de ne pouvoir être assez réactif pour assurer une bonne conversation... Mais je fus rassuré de constater que j'étais sur la même longueur d'ondes que mon interlocuteur lorsque je mis pied dans le studio : j'y ai trouvé Aketo, terminant de manger son kebab et me proposant de goûter à ses frittes...

Plus détendu, je me suis installé sur un canapé en face du rappeur. Il renvoyait une image pleine d'humilité alors que sa carrière était légendaire, et notamment parce qu'en 2021, l'album classique de Sniper "Du rire aux larmes" fête ses 20 ans. En même temps, Aketo dévoile dévoile un projet sans featuring : Monsieur Bourbier, faisant suite à Confiseries.

Tout le monde peut-être un bonhomme, on dit même ça de certaines meufs.

San :

T’as carrière et longue et pleine de rebondissement, et t’as mis du temps avant de vraiment te lancer en solo… Des coups de blues, t’as du en avoir, et t’as d’ailleurs sorti un son, Le blues de la tess lors de ton retour avec Sniper en 2011. Tu peux nous parler des moments où t’étais un peu démoralisé ? Ce sont des moments importants qui t’ont aussi amené à te relever et à être là aujourd’hui, j’imagine…

Aketo :

Mon premier down, je l'ai eu en 2006, lors de la dernière tournée de Sniper avant que le groupe ne se sépare et que Blacko quitte l'aventure. Pour la première fois, j'ai du envisager une carrière solo, et ça ne s'aborde pas du tout de la même façon. C'était très perturbant, j'ai d'ailleurs eu le réflexe de me lancer dans un premier projet solo sans être vraiment solo : c'était Cracheur 2 venin, dans lequel j'ai invité un maximum de rappeurs et notamment Seth Gueko et Alkpote. C'était pas vraiment la dépression, je m'étais préparé à la fin du groupe, mais ça a quand même été difficile à gérer. Rebondir n'est jamais facile, et d'ailleurs, mon deuxième coup dur a demandé encore plus d'effort pour rebondir. Je bossais sur un projet solo dont je n'étais pas le producteur, quelques temps plus tard, et le projet a été abandonné contre ma volonté. J'y avais mis toute ma personne, j'ai donc eu beaucoup de mal a le digérer, et aujourd'hui encore je ne sais pas si je l'ai complètement accepté.

San :

Comment t'as fait pour rebondir après ça ?

Aketo :

Le voyage m'a beaucoup aidé. Mon pote Haroun de la Scred Connexion m'a vraiment encouragé à ne pas abandonner ma carrière solo, et il m'a d'abord emmené dans une tournée de la Scred Co à Lausanne, en Suisse. Ça m'a fait beaucoup de bien, m'ouvrant sur de nouveaux horizons.

San :

Le rap, c’est un bon exutoire pour parler de ce qui t’anime vraiment, de tes émotions profondes ?

Aketo :

Bien-sûr. Les moments de ma vie où j'ai été le plus inspiré, c'était quand ça n'allait pas forcément. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, mais dans ma carrière j'ai beaucoup écrit quand je me sentais moins bien.

San :

Si je te balance une punchline de Sniper, tu peux nous dire ce qu'elle t'évoque aujourd'hui ?

Aketo :

Bien-sûr.

San :

Alors celle-là est tirée du morceau Fallait que je te le dise, et ça fait : "J’ai des tas de potes à l’habitude, mais mon meilleur ami s’appelle solitude."

Aketo :

J'aime être seul quand il faut créer, mais pour le reste, la solitude n'est pas du tout ma meilleure amie. J'aime être entouré, sinon je craque. Tout est dans l'équilibre.

San :

À titre personnel, ça veut dire quoi « être un homme » pour toi ? »

Aketo :

Ça dépend de qui tu es, mais aussi de ton âge. Selon moi, c'est une question de responsabilités. Quand tu deviens adulte, tu deviens un homme, et ça n'est pas forcément définit par une identité fixe. Certains gars de seize ans sont plus responsables que des types beaucoup plus vieux.

San :

T’es né à Epinay en Seine-Saint-Denis, ça a beaucoup joué sur ta vision de l’homme ?

Aketo :

Pas vraiment. J'ai toujours été un gamin, et je crois que je suis devenu un homme le jour où je suis devenu papa. Ça va avec l'idée de responsabilités... Quand tu deviens papa, tu ne vis plus que pour toi. Dans un son qui n'est pas encore sorti, je dis : "On devient un homme par obligations !".

San :

Ça prend quelle forme et quelle importance la masculinité dans le rap ?

Aketo :

Ça dépend de comment tu conçois l'homme. Le rap est pleins d'exagérations, et il y a cette idée qui revient souvent : celle du bonhomme. Vulgairement, ça signifie de porter ses couilles, et c'est encore une affaire de responsabilités. Tout le monde peut-être un bonhomme, on dit même ça de certaines meufs. Bonhomme et homme, c'est la même chose.

San :

Pourquoi une absence de featuring dans ton nouvel EP Monsieur Bourbier ?

Aketo :

Je suis en autarcie, aujourd'hui, et j'ai eu besoin de montrer ce que je savais faire en solo. Mais il y aura pleins de nouveaux feats à l'avenir, je ne me ferme pas du tout à cela.

San :

En novembre 2016 , tas fait un retour avec le groupe Sniper dans le « Couvre Feu » sur OKLM. À la suite de ça, t’as déclaré « ne pas te reconnaître dans le rap d'aujourd'hui »… Tu penses quoi de la scène actuelle, et qu’est-ce qui crée ton malaise face à elle ?

Aketo :

Franchement, je ne me souviens même pas avoir dit ça. C'était très certainement un discours commun du groupe, dont certains membres méprisaient de plus en plus l'évolution du rap... Si j'ai dit ça, c'était des conneries et je ne parlais pas qu'en mon nom, parce que pour ma part, j'ai toujours écouté les nouveautés et je valide complètement la scène actuelle dans sa diversité.

San :

On a vu que pendant la période du confinement, tu as sorti Confiseries, ton premier EP solo, mais aussi que Sniper est revenu au-devant de la scène du rap français avec de nombreuses vidéos. Ça a été le cas avec le #PanameAllStarsChallenge, une battle de classiques contre la Fonky Family qui a éclaté en avril sur Instagram. Le confinement a été une période importante pour toi ?

Aketo :

Le confinement a été un déclic pour moi. Ça faisait dix ans que j'enregistrais une tonne de trucs, et que j'annonçais un projet solo, mais je n'ai jamais rien sorti, envahis par la flemme. Je n'étais plus à fond dans le milieu du rap et je me voyais mal faire les démarches pour distribuer mon projet. Le confinement m'a fait réalisé qu'il était temps de m'exposer à nouveau, et de balancer certains des plats que j'avais cuisiné.

San :

Sniper, constitué plus que par ton duo avec Tunisiano, serait aussi réunis afin de préparer une suite à leur album Personnalité suspecte vol.1… Ça arriverait quand ?

Aketo :

C'est déjà prêt. On a enregistré la partie dans la même période que la première... Mais pour décoffrer l'album, ça ne dépend pas que de moi, donc je ne pourrais pas me prononcer sur une date. C'est l'avantage d'être en solo aujourd'hui : pour mes autres projets, c'est moi qui décide (rires).

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