Roman & Djimo : les faux méchants
Après avoir volé une console de jeux vidéos à des migrants, Sébastien, interprété par Roman Frayssinet, tente de la revendre à Patrick, un gentil interprété par Djimo. Jusqu'ici, rien de bien méchant. Mais Patrick et Sébastien vont vite devenir les types plus recherchés de France… Ce scénario fou, c’est Mouloud Achour qui l’a imaginé pour les deux humoristes, qui considèrent que leurs rôles leurs conviennent à merveille.
« Il n’y pas vraiment de gentils ni de méchants. C’est comme ce qu’on dit sur les beaufs : on est tous le méchant de quelqu’un. »
San :
Vous pouvez présenter les persos de l’un et de l’autre ?
Djimo :
Sébastien, c’est un mec qui ne pense qu’au profit et qui fait des magouilles. C’est un menteur qui se débrouille comme il peut.
Roman :
Il ne sait rien faire à part parler… Mais c’est parce qu’il est triste. Patrick, lui, est beaucoup plus sage et posé.
Djimo :
C’est un geek… Mais il n’est pas cupide comme Sébastien.
Roman :
C’est vrai que je suis speed comme Sébastien, et que Djimo est constant comme Patrick, mais les traits ont quand même été grossis.
Djimo :
Mouloud est un peu comme ça, aussi. Il a ces deux facettes en lui.
San :
Donc si vous fusionnez, vous vous transformerez en Mouloud ?
Roman :
Complètement ! (rires). Y’a une scène où je porte même un polo rose que Mouloud mettait plus jeune. Les détails comme ça sont nombreux, dans le film. Mouloud y a mis beaucoup de sa personne pour retracer un peu de son parcours.
San :
Roman n’est pas trop rapide pour toi, Djimo ?
Djimo :
Laisse tomber, ça beaucoup trop vite pour moi ! Je sors une blague il en sort quatre derrière ! (rires).
Roman :
C’est un mytho ! Il en sort plus que moi, des blagues… La vérité, c’est qu’on se fait rire mutuellement, et c’est ça le plus important. D’ailleurs, ça se ressent et c’est pour ça que ça fonctionne, dans le film.
Djimo :
On est comme Fred et Jamy dans C’est pas sorcier. Moi je suis en retrait, j’ai la flemme, lui il est sur le terrain, mais on se complète bien. Les Méchants, c’est un body movie, l’histoire d’une rencontre… C’est le soleil et la lune, et ça finit en éclipse.
Roman :
Tu viens de la trouver celle-là ? (rires). Eh Jamy, qu’est-ce que tu fous sur la lune ?
Djimo :
J’y suis allé à pied !
Roman :
Non mais tu vois, on peut délirer avec tout et rien. C’est comme ça dans la clique, on partage tous des valeurs en commun. Notre point commun, c’est qu’on est généreux et qu’on ne se prend pas la tête.
Djimo :
On s’est retrouvé là parce qu’on aimait ça, pas parce qu’on voulait absolument percer. L’authenticité, c’est important.
Roman :
Complètement. D’ailleurs, Djimo, où que tu le mettes, il restera le même.
San :
C’est un film de clique, au sens de film de copains ?
Roman :
Mouloud n’aurait pas pu faire ça sans ses potes. Y’a du beau monde, comme Bun Hay Mean, Kyan Khojandi, Kassovitch… Et Mouloud insistait pour qu’on soit tous-nous mêmes.
Djimo :
Il voulait qu’on soit naturel et qu’on ne joue pas trop. On a bien senti qu’il avait construit les personnages autour de nous.
Roman : Ce qu’il attendait, c’était le vrai nous, pas une performance. Et ça fait vraiment plaisir, c’est une belle introduction au cinéma.
San :
Comment vous avez rencontré Mouloud ?
Roman :
Moi, je l’ai rencontré grâce à Kyan qui était déjà mon pote. Tu sais, celui qui a fait Bref. Un jour, il m’a dit que Mouloud cherchait un humoriste pour son émission. Moi, j’adorais Clique, c’était vraiment la seule émission pour laquelle je voulais faire des chroniques. J’ai rencontré Mouloud un mardi, je lui ai fait une chronique et il m’a dit « Tu commences jeudi, 10h ». Depuis, on ne s’est jamais lâchés. C’est très vite devenu une relation amicale, pas seulement professionnelle.
Djimo :
Ouais, pareil. Moi, mon attaché de presse m’a dit « On va faire Clique », j’ai répondu « Ok » et j’ai fait l’émission. Je ne connaissais pas encore Mouloud, et on a bien sympathisé. Il m’a très rapidement proposé le film.
San :
Le film était prévu depuis combien de temps ?
Roman :
Il y a trois ans, le jour de mon anniversaire, Mouloud m’a balancé : « J’ai un cadeau pour toi, dis-moi si ça te fait plaisir » et il m’a envoyé le scénario. Je me souviens, je partais pour Montréal et je l’ai lu dans l’avion. C’est le meilleur cadeau d’anniversaire qu’on ne m’ait jamais fait.
Le tournage n’a pas été trop parasité par le Covid ?
Djimo :
Non, on a eu de la chance parce qu’on a tourné le film avant la crise sanitaire. C’est la diffusion qui a été parasité, et le film a plusieurs fois été reporté.
Roman :
Mais ce n’est pas plus mal. Je pense qu’il était trop avant-gardiste pour sortir il y a deux ans, alors que dans le contexte actuel, il tombe à pic.
San :
Le titre fait penser à la chanson de Heuss l’Enfoiré, c’est un hasard ?
Roman :
Non, pas du tout ! D’ailleurs, c’est la BO du film. Et il y a aussi Niska qui a pour gimmick de dire toujours « Méchants méchants ! ».
Djimo :
Le rap a évidemment une influence sur nous. Aujourd’hui, les humoristes s’habillent comme des rappeurs, et beaucoup se connaissent. La plupart auraient voulu être rappeur.
Roman :
Y’a aussi un truc très urbain dans le stand-up, quand on joue sur des scènes comme le Paname qui a réuni pas mal d’entre nous.
Djimo :
Quand tu joues en parlant directement avec les gens, en brisant le quatrième mur, c’est très direct et très street.
Roman :
Et puis, le stand-up, c’est un moyen de s’exprimer pour pleins de jeunes, comme le rap. Tout est connecté, y’a l’aspect authentique, l’aspect provocateur, le fait parler de la société…
San :
Les Méchants, c’est une satire ?
Djimo :
Évidemment. Y’a un côté pièce de théâtre, et ce film se fout de la gueule de tout le monde. C’est du premier degré, comme dans les mangas qui sont très présents dans le film.
Roman :
D’ailleurs, en parlant de manga, Mouloud m’a dit dans une scène où je devais péter un plomb « Tu vois Sangohan quand il se transforme en Super Sayain, il faut que tu fasses pareil ! » (rires). Donc oui, tout est exacerbé. Comme Kassovitch qui joue le réalisateur tolérant, ou Alban Ivanov qui joue l’humoriste engagé.
Djimo :
Tous les personnages sont des clichés, et le film est une grande caricature de la société qui s’empresse de tweeter tout et n’importe quoi à la moindre occasion.
San :
Elle raconte quoi, cette satire ?
Roman :
L’idée, c’est qu’il n y’a pas vraiment de gentils ni de méchants. C’est comme ce vieux dicton sur les beaufs : « On est tous le beauf de quelqu’un ». En l’occurrence, on est tous le méchant de quelqu’un.
Djimo :
Ce sont les enfants qui disent « les méchants », y’a un truc très naïf.
Roman :
Mais en même temps, quand tu résumes un film, tout le monde dit « les gentils » et « les méchants », et on a voulu montrer que c’était très subjectif. Ça dépend de quel côté de la barrière tu te mets.