Edgar Sekloka : une musique
à la lisière de la poésie urbaine

Je retrouve mon pote musicos Edgar Sekloka au Starbucks de la Défense. Ça fait un bail que je ne l’ai pas vu mais c’est un grand plaisir de retrouver cet artiste dont le flow oscille entre rap et chanson. Ancien acolyte de Gaël Faye au sein du groupe Milk Coffee and Sugar, Edgar Sekloka tente, aujourd’hui, l’aventure solo avec un premier album : Musique noire.

Par San Hajaji

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Edgar Sekloka : une musique à la lisière de la poésie urbaine

Assis face à face, en terrasse, je redécouvre ce copain de jeunesse. Plus tard, nous avons publié nos premiers romans respectifs chez le même éditeur. Le sien s’appelle Coffee, sorti en 2008 chez Sarbacane dans la collection Exprim’. Il a toujours ce sourire jovial sur lequel les années n’ont pas eu prise. Nous buvons une gorgée de nos café latte et entamons la discussion.

Être une femme, c'est une affaire de courage. Être un homme, c'est plus simple... Mais être un homme qui sait le courage que ça implique, c'est très respectable.

San :

Où en es-tu, dans tes projets musicaux ?

Edgar :

Et bien, je continue la tournée de Musique noire, entamée avant le confinement. Elle devrait se poursuivre jusqu’en février 2022. Mon second album sort en novembre 2021. Il s’intitule : Un peu de sucre. En attendant, le single Kotojeeb N’ Sucreries est à l’écoute.

San :

Quel est l’univers de cet album ?

Edgar :

C’est un univers très personnel. En fait, c’est un album dans lequel j’enterre mes amertumes. C’est, aussi, un album qui marque la voie que j’ai choisi d’emprunter pour lutter contre ces amertumes, ces désillusions. C’est une voie faite de bienveillance, de gentillesse, de confiance en soi. C'est ce qu'il faut pour affronter les tourments de la vie, pour trouver la force d’y faire face. C’est, aussi un album emprunt d’une certaine forme de maturité, car je n’écris plus comme quand j’avais vingt ans. Par contre, je continue à croire en mes rêves. Pour moi, c’est essentiel. Car, réaliser ses rêves, c’est être en cohérence avec soi-même. Cela définit une certaine forme d’harmonie intérieure.

San :

On pourrait dire que tu as plusieurs casquettes : auteur, poète, chanteur, slammeur. Comment te définis-tu en tant qu’artiste ?

Edgar :

Je me définis comme un auteur-interprète. Je ne fais pas de différence entre écrire un roman ou une chanson même si le roman se joue à plus long terme, la partition reste la même, ce sont les mots... Et la langue. Que ce soit pour le roman ou la chanson, je reste un artisan qui travaille le texte. Que ce texte soit court ou long, peu importe.

San :

Quel regard portes-tu sur la musique d’aujourd’hui ?

Edgar :

Et bien, je déplore, en partie, certaines choses. La multiplication des outils de communication devrait, à mon sens, faire émerger des talents. Or, elle participe surtout à creuser les écarts entre les classes sociales. Il y a les artistes riches et les artistes prolétaires. Et j’en veux aux médias car ils ont une large responsabilité dans tout ça. La musique est populaire, mais aujourd’hui, elle ne fait plus grandir plus les gens. D'un autre côté, avec cette multiplication des outils de communication, des niches se créent. Des niches au sein desquelles l’Art est perçu comme un vecteur d’instruction et de déconstruction vis-à-vis de la société en place.

San :

Vises-tu un objectif particulier ?

Edgar :

Non. Je me laisse porter par le vent. Dans ma vie, j’ai reçu beaucoup d’amour. Mon seul désir est de transmettre cet amour. Bien sûr, j’ai à cœur de continuer à créer. Il n’y a que comme ça que je me sente libre. Le reste du temps, je suis comme un esclave. J’ai quelques souhaits en réserve. Par exemple, que l’Art soit au centre de l’éducation. Que mon label associatif, Suga Music, puisse faire connaître et porter des artistes. D’une manière plus personnelle, je souhaite réussir à remplir les salles de deux cent personnes sur lesquelles je serai programmé.

San :

Quels sont les artistes qui t'inspirent le plus ?

Edgar :

Alors, en vrac : Koffi Kwahulé, Mos’Def, D’Angelo, Fanny Poly, Sam Mendes, Alain Kassanda.

San :

Ta vision de l’homme en tant que genre ?

Edgar :

Et bien, c’est simple, pour moi, l'Occident est un homme blanc et chrétien. C’est un constat. Alors, si t’es une femme noire et athée, ça va être compliqué de survivre. Être une femme, c'est donc une affaire de courage. Être un homme, c'est plus simple... Mais être un homme qui sait le courage que ça implique, c'est très respectable.

San :

Une date musicale, bientôt ?

Edgar :

Oui, je jouerai le 24 juillet à Montreuil au théâtre de La Girandole. On s'y retrouve ?

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