Richard Wright ou la noblesse de l’identité noire américaine

On ne parle pas du musicien blanc mais de l'écrivain noir, et avec tout le respect qu'on porte pour le premier, le second est un monument incomparable. Portrait de l'auteur afro-américain Richard Wright, né au Mississipi en 1908 et mort en 1960 à Paris.

Par San Hajaji

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Richard Wright ou la noblesse de l’identité noire américaine

Il est l’un des rares écrivains à avoir su redonner sa dignité au peuple noir américain, d’autant plus à l’époque de la ségrégation, là où sévissait la violence organisée de l’Homme blanc. Il fallait avoir du courage pour oser s’opposer littéralement, ou du moins littérairement, à cette discrimination extrême. Bien entendu, ils ont été peu à le faire car l’être humain est souvent lâche face à ce genre de situations. Il préfère toujours garder le silence. Seuls les artistes, en particulier les écrivains, sont montés au créneau. À l’instar de James Baldwin, ou encore de Ralph Ellison et de Toni Morrison, Richard Wright est aussi, et surtout, un écrivain politique. Il a un message à faire passer, une vérité toute simple : la souffrance de l’Homme noir doit s’inscrire dans la mémoire collective pour ne plus jamais subir.

Une enfance difficile, marquée au fer rouge comme une bête de panurge

Il est petit-fils d’esclave et grandit dans le Mississipi, berceau du Ku Klux Klan. Autant dire qu’il incarne à lui tout seul toute la misère du peuple noir qui vit aux États-Unis, dans ces années sombres situées entre le début du 20ème siècle et les années soixante. Juste avant que Woodstock ne décide de s’emparer des reines de la révolution culturelle à venir qui, malheureusement, échouera en partie. Mais ceci est un autre sujet, ou un autre débat. Le père de Richard est violent et alcoolique au dernier degré, et sa mère, elle, se retrouvera vite dépassée par les conditions de pauvreté impitoyables dans lesquelles elle tente d’élever ses enfants, lâchés bien malgré eux dans la jungle impitoyable du sud des États-Unis, où les noirs sont les proies des prédateurs blancs. Mais même à son jeune âge, Richard Wright a déjà tout du véritable écrivain. C’est-à-dire qu’il possède une capacité hors du commun, celle de savoir garder sa mémoire active afin de pouvoir la retranscrire plus tard sur le papier, afin de pouvoir dire et hurler tout ce mal qu’il a vécu et qu’il a su traverser, avec une volonté de fer, en sachant transformer et transposer ce Mal dans une forme artistique. En somme, il témoigne là d’une résilience à toute épreuve. Comme un témoignage, finalement. Mais un témoignage empreint d’une vérité glaciale et d’une poésie féroce. Pas étonnant qu’il compte, aujourd’hui, parmi les plus grands écrivains de tous les temps.

Une écriture d’une grande force car à la fois objective, juste, très simple et acérée

Je ne vais pas vous faire la liste de tous ses romans. À mon sens, un seul est vraiment à retenir ou à découvrir en premier lieu, c’est son intemporel Black boy. Ce livre est un témoignage vivant de ce qu’est la véritable ségrégation, comment elle s’opère, comment les séquelles subies par le peuple noir ont généré un cycle de violence ininterrompu jusqu’à aujourd’hui. Même si cette vérité lui déplaît, l’Homme blanc reste encore comptable des atrocités qu’il a commis sur la terre américaine. Oui, l’Homme blanc a une dette envers l’Homme noir, comme envers les indiens, ou comme ceux qui pourraient prétendre à l’identité aryenne ont une dette infinie envers le peuple juif. Et, ici, l’Homme noir réclame justice. C’est ce que fait Richard Wright en écrivant. En réalité, à travers ses romans, il exige la reconnaissance du Mal qui a détruit ses racines, qui lui a retiré sa dignité d’être humain, tout simplement. Alors, l’écrivain se met lui-même en scène dans ce roman autobiographique qu’est Black boy. Véritable voyage dans les arcanes de la misère connue. Monsieur Wright monte lui-même au front et se positionne en première ligne, puisque c’est bel et bien une guerre qui est menée. Une guerre menée contre l’obscurantisme, une guerre menée contre le racisme, une guerre menée contre l’ignorance et l’indifférence et la liste peut continuer, encore et encore. Ici, c’est l’histoire du monde, qui est en jeu et qui est sur la sellette. Richard Wright a écrit ce roman avec une plume d’une simplicité extraordinaire, semblable à l’innocence d’un enfant qui décrit avec ses mots tout ce qu’il voit. Heureusement que des gens comme lui existent afin d’établir un contre-pouvoir et faire face tel un spartiate, un guerrier ou que sais-je, à la dictature organisée par les vainqueurs, au mensonge historique qui prend de l’ampleur. Quelques voix s’élèvent alors pour rappeler à l’ordre naturel des choses. Nous sommes tous des êtres humains et les races n’existent pas. Pour votre travail, à cet effet, je ne peux que m’incliner devant vous et vous remercier d’avoir existé, Monsieur Richard Wright. Oui, vous êtes un Monsieur, vous êtes un San, et pas pour votre pénis ni pour un costume, mais pour vos couilles que de grandes femmes peuvent aussi arborer.

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