Courte paille / complexes
de taille

Fascination, clichés, complexes, la taille du pénis pose bien des questions aux hommes en tous genres. Pour toi, cher San ou simple curieuse, j’ai décidé de m’y attaquer. C'est aussi l'occasion d'essayer de déconstruire quelques clichés... Attention, le petit oiseau va sortir.

Par San Bens

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Courte paille / complexes de taille

Commençons par cette vérité : la légende du gars bien monté a toujours été entretenue par la pornographie. Pour un homme hétérosexuel, c'est un problème puisqu'il ne va pas voir beaucoup d’autres pénis que le sien dans sa vie. Sa norme sera donc les vidéos X... Un milieu où les engins mesurent en moyenne entre 20 et 26 centimètres en érection. Des chiffres bien loin des standards habituels, c'est certain. Une étude publiée dans le British Journal of Urology International établit que la taille moyenne du pénis en action est de 13,6 centimètre. Une différence de près de dix centimètres qui change complètement les mentalités...

L’intérêt phallique ne date pas d’hier. Déjà lors de l’antiquité, les hommes prêtaient une attention particulière à ce qui se passait au niveau de leur entre-jambe. Certes, suivant les civilisations et les époques, il n’est pas apprécié de la même façon, mais partout, le sexe masculin et sa taille ont été un objet de fascination.

Une fascination qui traverse l’histoire

De nos jours, parler ouvertement de la taille de son sexe relève de l’intime et du tabou. Ça n'a pas toujours été le cas... Certaines époques ont mis le sexe masculin à l'honneur de façon complètement différente. Marty Mc Fly, prêt à nous envoyer dans le passé ? Oui, la bite est bel et bien un prétexte pour voyager dans l'espace et le temps, et rendre visite aux grandes civilisations de jadis.

Le pouvoir de l’enfantement, un culte antique

Tout commence avec les égyptiens qui adoraient une divinité au sexe surdimensionné : Osiris. Pour eux, un grand pénis était donc une marque divine, mais ce n'était pas un standard pour les mortels bien que cela restait une bénédiction pour celui qui en disposait. Plus tard, les Grecs ont aussi été des adeptes du culte phallique. On a retrouvé de nombreuses poteries où des sexes en érections étaient représentés. Priape, la divinité au sexe en perpétuel érection, est partout : statue, poterie, amulette etc… Ensuite, les romains n'ont pas fait exception à la règle de l’adoration du pénis. Il est même omniprésent dans toute leur culture.

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Représentation de Priape

Même les hébreux ont eu du mal à se défaire de ce culte. Dans une société occidentale marqué par un héritage à la fois grec mais aussi judéo-chrétien, ce n'est pas anodin. En effet, selon la Bible, trop habitué à voir leur voisin se vouer au culte du sexe masculin, le peuple hébreu se fabriquait des olisbos (des pénis dorés) dès que Moïse avait le dos tourné.

Mais attention. Certes, le culte phallique était universel pendant l’antiquité, mais tous ne le représentaient pas de la même façon. Nous avons tous en tête les magnifiques statues grecques. Des œuvres qui renvoient une image d’idéal masculin puisque le corps de l’homme est sublimé mais pourvu d'un pénis minuscule, quitte à prendre quelques libertés avec la réalité.

En effet, si l'on observe attentivement ces êtres de marbres, on remarque qu’ils ont plus d'abdominaux et moins de côtes que la plupart des hommes dans la réalité, même lorsqu'il s'agit d'un sportif. Flavien Villard, doctorant spécialisé de la question sexuelle dans la Grèce antique à la Sorbonne, explique que la statue représente le corps masculin "dans toute sa force et sa puissance". Mais ces représentations de l’homme parfait ont une autre particularité : non seulement leur pénis est tout petit, mais en plus il semble endormi.

Je dois avouer moi-même qu’en voyant ses statues, je me suis toujours posé une question de San (ne mentez pas, je suis sûr que vous aussi) ; pourquoi leurs pénis sont ils-si mal bâtis ? Les grecs étaient-ils si peu gâtés par la nature ? Et bien, pas du tout. Le gros pénis ne fait juste pas partie des canons de beauté grecs. Le mythe de Priape, la divinité au sexe surdimensionné, n'était autre qu'une malédiction. Et l’homme idéal était présenté comme intelligent, rationnel et surtout, son esprit contrôlant la matière, donc son corps. Or, selon nos amis grecs, un trop gros pénis était le symbole d’une sexualité exacerbée, d’une personnalité lubrique. Un engin miniature et au repos était au contraire l'apanage d’un vrai mec, civilisé, rationnel, le gars capable de s’investir dans la vie de la cité, à l'instar du pénis imposant et prêt à l’action. Ainsi, les sexes trop volumineux étaient légués aux satyres - petit personnage céleste, compagnons de Dionysos, la divinité du vin et de la fête - mais aussi aux barbares ou aux esclaves. En bref, des gens fort sympathique avec qui je n’hésiterais pas à aller profiter de la réouverture des terrasses, mais à qui on ne confie pas la gouvernance de la cité.

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Représentation d'un satyre

En ce qui concerne la civilisation romaine, elle n'a pas eu l'obsession grecque du minimalisme. Et c'est là qu'on entre dans la conception plus moderne du sexe masculin, encore en vigueur aujourd'hui. Pour les romains, “un petit glaive” n’était pas conforme aux canons guerriers de l’empire. Sans exagérer, c'était une question très sérieuse dans la Rome impériale. On a déjà vu des hommes monter en grade par ce que leur supérieure avait entendu dire “qu’ils en avaient dans la pantalon." Mais attention, il ne s'agissait pas d’être éléphantesque. Comme pour leur voisin adriatique, les romains voyaient dans un équipement trop lourd, le signe d’une vie aux mœurs dissolues. Une existence de barbares, pas de soldats aux services de la ville éternelle. Il ne fallait donc pas en avoir une trop petite, mais pas une trop grosse non plus.

La disparition dans le Moyen Âge chrétien

Il y a toutefois une rupture historique avec le christianisme, religion hégémonique de l’Europe médiévale. Celle-ci répugnait la vision du sexe, masculin comme féminin. un rejet qui trouve son fondement dans le péché originel. Selon la Bible, quand le monde fut créé, le Créateur offrit à Adam et Ève un foyer : le jardin d’Éden. Le premier homme et la première femme pouvaient alors bénéficier de toute les merveilles du jardin, sauf d'une : le fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Poussé par le serpent, Ève a décidé de braver l’interdit et de goûter le fruit avant d’en faire profiter Adam. Maintenant pourvu de la connaissance du Bien et du Mal, les parents de l’humanité prirent conscience de leur nudité et de leur différence. Gênés, ils la cachèrent instinctivement. Se rendant compte de leur faute, le Tout Puissant les banni du paradis. Autre conséquence de leur péché, Adam et Ève découvrirent la sexualité et l'enfantement qu’elle engendre.

Si je vous raconte cette histoire, que je considère comme une belle métaphore du passage de l'animal à l'homme, c’est pour que vous compreniez l’aversion de l’église pour l’image du sexe. Comme dans la mythologie gréco-romaine, le sexe fut rattaché à sa faculté reproductrice. Mais contrairement aux civilisations antiques qui le glorifient, chacun à sa façon il est uniquement réduit à son usage fécondateur. Dès lors le dogme chrétien en a interdit la représentation - vous comprenez maintenant la feuille de vigne entre les jambes d’Adam et pourquoi Eve a les cheveux si longs.

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Une tradition artistique qui ne connaît pas de contestation jusqu’à la Renaissance et la redécouverte de l’art antique. David, le chef d'oeuvre de Michel Ange, est une statue qui convoque furieusement la tradition grecque. Et pour cause : un corps d'Apollon équipé de l’inévitable petit oiseau, au repos pour signifier l'intelligence. Le maître pousse la rébellion artistique jusqu’à orner le plafond de la chapelle Sixtine d’une représentation d’Adam en tenue d’Ève. C’en est trop pour la sainte mère qui met le holà à la fièvre antique. Sans aller jusqu’à censurer le génie de Michel Ange, l’Église interdit officiellement les représentations sexuelles en 1530.

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Le grand retour des temps modernes

En France, au moment de la Révolution de 1789, la société prend ses distances avec l’Église. Un éloignement qui permet à la figure phallique de revenir sur le devant de la scène. De nouveau, elle est appréciée comme un symbole de virilité et de pouvoir, convoquant non pas la tradition grecque mais plutôt romaine, dont se targuera Napoléon par ses volontés impériales.

Mais pour constater un vrai tournant dans la conception du sexe, faisons un bon dans le temps de presque deux siècles. Dans une société post soixante-huitarde, une nouvelle révolution eut lieue... Mais sexuelle, cette fois. À ce moment, l’acte sexuel se débarrasse de ses considérations théologiques et cesse de n’être qu'un outil de procréation. Dès lors, on peut revendiquer ouvertement avoir des rapports uniquement pour le plaisir. Et notamment la femme, qui clame enfin le droit de jouir.

Pour l’homme et son engin, la donne est nouvelle. Le message qui est envoyé aux hommes cisgenres par ce droit au plaisir féminin, c’est : “les mecs, faut assurer.” Ce phénomène est doublé de l’apparition de la pornographie et de sa tête de gondole : Rocco Sifrédi. L’étalon Italien impose de nouveaux canons de beauté et de performance : pour donner du plaisir à sa partenaire, il faut posséder un pénis surdimensionné.

L’art s’empare également de cette mouvance sexuelle. D’abord, le sexe devient un sujet autonome puisqu'il devient le centre de l'œuvre. Ensuite, fini les petits zizis de la Grèce antique ou de la Renaissance. Place au monumental ! Dans la volonté artistique contemporaine de provocation, accompagné des nouveaux standards sur la taille de notre entre-jambes et du sensationnalisme américain qui donne le rythme, les peintres et les sculpteurs finissent par s'en donner à cœur joie. Plus c’est grand, plus c’est vu.

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Représentation d'un pénis dans les rue de Manhattan.

Un facteur de discrimination

D'accord, mais qu'en est-il des clichés racistes sur la taille du sexe ? En vérité, ceux-là datent de l’antiquité. Mais ils atteignent leur apogée aux tournants des XIX et XXème siècle, avec l'apparition du concept de race qui expose des pseudos "différences biologiques", se fondant notamment sur les préjugés sexuels. De tristes idées qui perdurent jusqu’aujourd’hui.

Peur démesuré du sexe noir

Avec ta grosse bite”, ses mots ne sont pas de moi. Ils sont tirés d’un dialogue du film Case départ entre monsieur Henry (David Salles) et Joel Grosdésir (Thomas Ngijole). Joël lui rétorque d’ailleurs “vous me dites ça par ce que je suis noir ?". "Bah évidemment” lui répond son geôlier avant d’être pris d’une crise de fou rire. Mais d’où vient cet affreux préjugé ? Encore une fois, consultons le livre le plus vendu et le plus mal lu de l'histoire de l'humanité : la Bible.

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Dans la Genèse, Cham, le fils de Noé a commis la faute irréparable de voir son père dénudé. Un larcin qui lui aurait noirci la peau, et qui condamnerait sa descendance à être équipé d’un sexe surdimensionné ainsi que de mœurs décadente.

Selon le journaliste Serge Bilé, auteur du livre "La légende du sexe surdimensionné des noirs" (Serpent à plumes, 2005), les clichés sexuels racialisés relèvent en réalité d’une volonté d’exclusion. “C’est l’idée que les noirs ne sont pas des hommes, ils sont guidés par leur bas instinct." explique-t-il au site Grioo.

Un stéréotype résistant puisqu’il est encore d’actualité. Dans une enquête publiée par le Daily Beast en 2020, plusieurs stars de la pornographie confie ne pas vouloir tourner avec des noirs. Non parce qu’elles ont peur mais parce que leur compagnon ne le souhaite pas. À l’origine de cette prohibition, une idée complètement saugrenue : “once you go black, you'll never go back” (si tu essaies les Noirs, les Blancs ne risquent pas de te revoir). En gros, madame serait tellement impressionné par la performance de son partenaire noir qu’elle risquerait de ne pas retourner dans le lit de monsieur. Sans commentaire…

Le juif efféminé par la circoncision

L’antisémitisme est une forme particulière de racisme. Ici, le rejet n’est pas fondé sur ce que l’autre n’a pas mais sur ce qu’il a de plus. Le juif prive l’humanité de quelque chose, a une exception près : la virilité.

La femme rabbin Delphine Horvilleur expose dans "Réflexion sur la question antisémite" (Grasset, 2019) que le juif “est celui qui n’a pas sa virilité pleine et entière” Il renvoie au monde la peur de la castration. Circoncis à la naissance, il se défait de sa virilité.

Dans la littérature antisémite, on constate que l’abandon de son petit bout de chair revient a abandonné sa masculinité. Dès lors, il est affublé de caractéristiques féminin : l’hystérie, la manipulation, l’intérêt pour l’argent ... et la luxure. Rappelons que ce dernier vice était originalement l'apanage des hommes trop bien gâtés par la nature, mais il semblerait que ceux qui se raccourcissent un petit peu en furent aussi affublés. C'est moins le cas aujourd'hui, mais cela laisse des traces sur les mentalités et illustre une certaine crainte de disposer d'un pénis court ou raccourci, qui va de paire avec un sexisme misogyne.

La taille ça compte ?

On y arrive, la question que vous vous posez depuis le début de votre lecture : Est-ce que la taille compte ?

Plus c’est gros, plus ça fait mal

Les scientifiques sont assez unanimes sur la question, la taille n’influe pas outre mesure. Pire, un sexe trop volumineux pousse le partenaire à l’infidélité. C’est en tout cas ce qu’affirme une étude menée par la revue PLOS One en 2014. “Les femmes associent les grands pénis à la douleur et à l'inconfort pendant l'acte sexuel excluant le plaisir et la satisfaction que les femmes sont censées ressentir.” Voilà qui met du plomb dans l’aile à la maxime “plus c’est long, plus c’est bon.” Malgré cela, l'idée reste toujours bien ancrée dans l'imaginaire collectif.

Je ne veux pas non plus accabler ceux qui ont malheureusement un trop gros pénis. Il est tout à fait possible de le gérer pour ne pas déranger son ou sa partenaire, mais il faut en avoir conscience, et ne pas croire que c'est la taille qui est source de plaisir, sinon, c'est douleur assurée.

La dysmorphophobie pénienne

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La bonne nouvelle c’est qu’une grande proportion d’hommes sont satisfait de la taille de leur sexe. Selon un rapport d’Archives of Sexual Behavior : 85% des américains sont satisfaits de leur organes génitaux. De bon chiffre qui n'empêche pas certains d’entres-nous de développer un complexe de taille. Son nom : La dysmorphophobie pénienne. Un trouble psychologique qui va au-delà d’une simple histoire de centimètre. Le mal-être créé par le complexe pourrait entraîner des comportement asociaux. Une pathologie qui est purement psychologique. En effet, une étude menée par le British Journal of Urology montre que la plupart des hommes qui recourent à un allongement chirurgical du pénis ont pourtant un organe de taille tout à fait normal. Pour éviter de passer sur le billard, la meilleure solution est d’en parler à un spécialiste et de se rappeler que si tout fonctionne correctement, l’intervention est plus qu’inutile.

Pour conclure, il est toujours nécessaire de rappeler qu'en plus de sortir couvert, le plus important, c'est d’écouter son partenaire. C'est son plaisir qui compte, pas ce qu'en dit la pornographie... Ni vos potes qui sont persuadés qu'il faut avoir un corps d'Apollon mais ignorent que le grand sexe de Priape était le fruit d'une malédiction.

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