Don't Look Up : faut-il regarder ?

Le film satirique Don't Look Up, signifiant littéralement "Ne regarde pas en haut", pose la question du déni de la population face à l'imminence d'une catastrophe mondiale. Un film-évènement sur Netflix, qui réunit un casting en or et reprend les codes ingénieux de la série South Park... Mais en fin de compte, faut-il regarder le film d'Adam McKay ? D'ailleurs, dans quelle direction ce dernier nous suggère-t-il de regarder ?

Par San Kerszner

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Don't Look Up : faut-il regarder ?

L'histoire est concise et caricature évidemment les situations initiales des films apocalyptiques : deux scientifiques, interprétés par Léonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence (rien que ça !), découvrent une comète meurtrière qui fonce droit vers la Terre. Problème : personne ne leur prête attention. Ni le gouvernement, ni les médias, ni la population. Et lorsque le monde s'empare enfin du sujet, c'est pour en faire des débats sans queue ni tête et créer des mouvements qui ne font que retarder l'urgence et le danger. Mais en fin de compte, tout le monde est corrompu, et même les scientifiques finissent par se faire embarquer dans un discours idéologique.

Une satire South Parkesque

Je commencerai par le dire : cette satire typiquement américaine aurait pu faire un merveilleux épisode de South Park. Ce postulat établit déjà bon nombre des codes qu'a emprunté Adam McKay, qui s'était illustré d'une toute autre façon dans Vice et The Big Short. Concernant Don't Look Up, on assiste à un monde subjugué par la tendance au point de réagir à tout sans prendre au sérieux ce qu'il y a de véritablement inquiétant, créant des situations absurdes typiques de la série d'animation de Parker et Stone. Autres codes emprunts à South Park : l'absence d'attention accordée aux seuls personnages à vouloir raconter l'authenticité d'un propos, ou encore l'impérissable caricature du Président que n'a de cesse de s'emparer la série, et en l'occurence, une fusion de Donald Trump et Ronald Raegan en version féminine, interprétée par la grande Meryl Streep. Un rôle illustrant la volonté peu judicieuse d'Hollywood, ces dernières années, de représenter des femmes au pouvoir tout en conservant les codes de la malveillance du gouvernement, faussant finalement la dénonciation du patriarcat. De la même façon que l'Empire maléfique dans les premiers Star Wars, qui n'illustrait que des hommes, alors que la nouvelle trilogie amène des femmes aux commandes du Nouvel Ordre. La version infâme de Meryl Streep dans Don't Look Up est d'ailleurs accompagnée par un Jonah Hill que l'on connait pour ses rôles de bonhomme égoïste et insultant à la Eric Cartman, énième clin d'œil à South Park, que l'acteur avait déjà emprunté dans War Dogs.

Sur le plan de l'atmosphère satirique à laquelle contribue grandement les jeux d'acteurs de chacun, il n'y a que cette fausse note de vouloir confondre Donald Trump et une femme, qui fait d'ailleurs parfois penser à Hillary Clinton (on reviendra sur cette confusion) quand bien même l'interprétation de Meryl Streep est excellente. Pour le reste, la satire est drôle et reprend parfaitement les codes de la série d'animation qui fait office de la satire américaine par excellence. Et rien que pour ça, et le casting merveilleux qui l'incarne : Look Up - regardez en haut - ou plutôt votre écran... Il faut le voir !

Fausse morale et propos confus

Attention... Dans cette partie, des spoilers vous attendent ! À moins que vous vous moquiez de voir le film, si i vous ne l'avez pas encore vu, regardez-le et revenez consulter plus tard analyse sur les aspects négatifs de l'œuvre d'Adam McKay.

En effet, il y a un grand bémol à cette pépite cinématographique (trop) aimablement balancé sur des plateformes de streaming. Alors voilà, ne je ne tournerai pas autour du pot : le problème, c'est le propos. S'il faut évidemment voir le film, on ne comprend pas dans quelle direction le réalisateur suggère, quant à lui, de regarder. Up, down, ou ailleurs ?

L'intention se ressent facilement : il y a la volonté de dénoncer l'orientation du propos médiatique, les croyances complotistes de la population, la corruption du gouvernement et le règne des réseaux sociaux. En somme : que plus personne n'écoute les scientifiques. Cependant, Hollywood se perd dans ses propos en revendiquant son sens du complotisme inavoué : non seulement le scientifique principal, interprété par DiCaprio, finit par faire corps avec les médias, le gouvernement et les puissances économiques., mais de plus, la seconde scientifique finit par traîner dans des milieux que l'on pourrait apparenter à ceux des complotistes. Pour couronner le tout, le gouvernement et les plus fortunés finissent par quitter la planète à bord d'un vaisseau spatial. Alors, qui fallait-il croire ? Les complotistes n'ont-ils pas raison de l'être, même s'ils ont tord de nier l'existence de la comète ? Le propos se perd dans la deuxième partie du film qui semble simplement dire : "Tout le monde est con" et "Il n'y avait rien à faire". Pourtant, la dernière phrase prononcée par DiCaprio revient sur l'intention première du film, sa volonté de conscientisation propre à toutes les satires. En effet, le personnage dit "Nous avons vraiment tout fait, n'est-ce pas ?", sous-entendant que l'humanité entière aurait du tenter quelque chose... Mais quoi ? On l'ignore.

Le problème est là : Hollywood, et Adam McKay dans la foulée, s'ancre dans la bien-pensance et cherche évidemment à s'ancrer dans un discours écologiste et anti-complotiste. Les grands réalisateurs et acteurs d'Hollywood n'ont jamais caché , ces dernières années, leur soutien aux démocrates et leur opposition aux républicains. C'est l'une des raisons pour lesquelles ils ont souhaité représenter une Présidente ressemblant étrangement à Hillary Clinton, et reprenant même certaines attitudes de Barack Obama. Adam McKay l'a dit lui-même : dans le personnage, il y a du Trump mais aussi du Obama. Mais dans ce cas, quel est le propos ? Parce qu'en même temps qu'il se veut démocrate et anti-complotiste, le réalisateur reprend l'ultime code de la seule satire au monde à ne pas suggérer une morale mais plutôt le simple propos que j'ai déjà souligné, le "Tout le monde est con", et là encore, on retrouve South Park. Je l'avoue franchement, j'aurais crié au génie si cette seule conclusion avait été l'unique, et n'avait pas été gâchée par la volonté hollywoodienne de générer une fausse morale, presque hypocrite.

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