Critique spoilers : Spider-Man,
le multivers des masculinités

Après Spider-Man New Génération, qui abordait déjà le multivers mais sans le monde des Avengers - le SpiderVerse - c'est au tour du Spider-Man du MCU de se confronter aux versions alternatives de la réalité... Et se heurter aux différents Peter Parker, chacun dans une masculinité distincte.

Par San Lebonobon

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Critique spoilers : Spider-Man, le multivers des masculinités

Avant tout, je dois l'avouer : je suis fan de Spider-Man. De nature plutôt puriste sur le cinéma, c'est là mon talon d'Achille... Mais apparemment, ici, on traite autant de Black Widow que de Bukowski, et pour écrire une critique sur l'Homme-Araignée, je mets tant bien que mal mon purisme de côté, et je m'en donne à cœur joie !

Depuis des mois, tout le monde le savait, de par les rumeurs puis les bandes annonces qui ont logiquement fait du bruit... Spider-Man, No Way Home se situe en plein coeur de la notion de "multivers" et voit débarquer un nombre conséquent d'adversaires de Spider-Man venus d'autres trilogies (dont une trilogie inachevée, celle d'Andrew Garfield). Déjà introduit avec la série Loki sur Disney+, le concept du multivers est désormais clair : une fois ouvert, n'importe qui peut croiser n'importe qui, même une version alternative de soi-même. C'est aussi l'occasion de faire un pont justifié avec des films qui n'appartiennent pas au Marvel Cinematic Universe. À la fois trop facile, difficile à maîtriser, et extrêmement bien imaginé. Le MCU avait déjà élargi son univers jusqu'aux confins de la galaxie et réuni une armée pour faire face à Thanos au point de convergence, le film Avengers Endgame, et il fallait maintenant rebondir en proposant plus fort pour la suite... C'est chose faite.

Une armada de personnages iconiques : la recette du crossover parfait

Bon. Entrons maintenant dans le vif du sujet. Accompagné de Doctor Strange, devenu l'un des tôliers des nouveaux Avengers, le jeune Peter Parker du MCU cherche à rectifier le bordel semé à la fin du précédent film. Oui, rappelez-vous : Mysterio révélait qu'il était Spider-Man au monde entier. La solution de Peter : effacer la mémoire de tous les êtres humains au sujet de la révélation de son identité. Le problème : l'adolescent tient à ce que certains ne l'oublient pas, et en insistant auprès de Strange, il va créer une faille dans le multivers (peut-être favorisée par le choix de Loki à la fin de la série qui lui est consacrée, mais on en saura davantage dans les prochains films). Et c'est ainsi que débarquent le Doctor Octopus, le Lézard, l'Homme des Sables, et même l'exceptionnel Bouffon Vert, toujours interprété avec brio par Willem Dafoe.

Il aurait été intéressant de les comparer tous, chacun dans sa vilainerie, chacun dans ses complexes, chacun dans ses troubles, et chacun dans sa performance. Le Bouffon Vert aurait sans aucun doute remporté le trophée dans toutes ces compétitions, porté par une diablerie sans égale, une schizophrénie que l'on savait déjà violente, et un jeu d'acteur de Dafoe digne du Joker. C'est sans doute pour cette raison que ce fut le premier grand rival des tous premiers films Spider-Man, et que son personnage hantait la trilogie jusqu'au troisième volet. C'est aussi pour cette raison que c'est lui qui, dans ce nouveau film du MCU, joue un antagoniste décisif. Et même si Octopus n'est pas aussi charismatique et crucial, il se serait facilement hissé sur le podium, en deuxième position... Tandis que les autres semblent être présents uniquement pour le casting, sans vraiment apporter quoi que ce soit au scénario, preuve que la trilogie réalisée par Sam Raimi était tout de même plus inspirante que la suivante.

Mais la comparaison la plus pertinente concerne des protagonistes qui débarquent au trois quarts du film, quand on les attend plus quand bien même tout le monde les espérait : les Spider-Man interprétés par Andrew Garfield et Tobey Maguire. Ah, enfin ! C'est presque gênant, tant leurs présences se faisaient réclamer par les fans, et tant leur rencontre est ficelée par des conversations trop faciles qui les amènent même à répéter la classique punchline "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités". Comparer leurs pouvoirs et leurs forces n'a pas grand intérêt, et on savait déjà leurs différences majeures : par exemple, que le Peter Parker de Tobey pouvait tirer des toiles depuis son corps, sans machine, contrairement aux deux autres.

Non, c'est sur le plan de leurs personnalités, et même de leurs masculinités, que se joue les comparaisons les plus intéressantes... Et Jon Watts, le réalisateur de No Way Home, s'est lui-même amusé à les confronter pour les mettre en valeur.

Le Bon, la Brute et le Tru... Et l'Incertain

Le film de 1966 qui donne le titre à cette deuxième partie est bien plus qu'un simple titre dévoilant les caractères de trois personnages. C'est une véritable constante qui définit trois profils types. En l'occurrence, seuls deux de ses profils correspondent à nos trois Spider-Man. Il faut le dire, même si celles-ci sont récurrentes, il n'y a pas que trois formes de personnalités, et de même, il y a une infinité de masculinités. On pourrait même affirmer qu'il y aurait autant de masculinités qu'il y a d'hommes pour les interpréter, et ainsi, aller décortiquer les 39 Spider-Man de la liste de Sens Critique, dans laquelle figure d'ailleurs des femmes (et c'est tant mieux !). Toutefois, on se contentera des trois principaux, qui ont eu droit à trois trilogies de films, et que l'on retrouve dans ce nouvel épisode de la grande série cinématographique du MCU.

Le Bon, c'est évidemment Tobey. Bon dans son rôle, et bon parce qu'il transpire la bonté, jusqu'au plus profond de sa pupille. C'était déjà le cas dans la trilogie de Sam Raimi, au point de livrer une piètre prestation lorsqu'il s'agissait de jouer un Peter Parker corrompu dans le troisième volet. Débarquant dans le MCU, il n'est pas moins bon, au contraire, il fait même office de figure paternelle puisqu'il est plus âgé que les deux autres. Les fameuses pupilles pleines de bonté dont il était question sont précisément celles qui vont ramener Tom Holland à la raison, lorsque son Spider-Man perdra le contrôle face au Bouffon Vert. C'est le seul dont on sait qu'il a réussi à construire une vie de couple - et qui sait, peut-être une vie famille ? -, et à garder sa MJ, tandis que le héros de The Amazing Spider-Man a tragiquement perdu Gwen, et que le nouvel Araignée est trop jeune pour savoir s'il va réussir à construire une vie amoureuse stable et solide. Le premier Spider-Man a perdu son meilleur ami, il est toujours avec Mary-Jane Watson, il n'a pas renoncé à son costume, il est un homme accompli et n'en est pas moins bon... Ah, Tobey, cher Tobey, toi qui a inspiré mon enfance et revient avec d'autant plus de charisme, c'était l'occasion ou jamais de t'écrire une lettre d'amour.

Ensuite, il y a l'adolescent, le jeune qui a tout à apprendre, le "gamin", comme l'appelle très justement Docteur Strange. Celui que l'on appellera la Brute parce qu'il fonce dans la mêlée, provoque le désastre de la faille dans le multivers, et va même empêcher le magicien de résoudre le problème au cours d'un combat épique qu'il remporte de manière surprenante. Dans sa construction personnelle, il se situe à la croisée entre le jeune adulte en peine (on y vient tout de suite) et "le Bon", le potentiellement père, l'homme stable et accompli. Le Spider-Man interprété par Tom Holland a encore tout à apprendre, c'est un insouciant, un impulsif qui s'apprête à évoluer. Et pour cause : après la mort d'Iron Man, la mort de sa tante May le forgera davantage. En premier lieu, cela le confirme surtout dans son aspect brutal, illustré dans son combat final avec le Bouffon Vert. Toutefois, la version paternelle de lui-même intervient pour le ressaisir, et à la fin du film, il retrouve - ou trouve pour la première fois, en ce qui le concerne - une situation Parkeresque en logeant une chambre de bonne piteuse. Il va très certainement livré des pizzas, devenir journaliste, et s'approcher un peu plus du modèle qu'était celui proposé par Tobey.

Le plus faible, le plus intéressant

Alors voilà, c'est vrai, je ne suis pas très objectif - dans un mag délibérément subjectif, ce n'est pas bien grave ! - parce que j'ai grandi avec la trilogie de Sam Raimi et je considère que le MCU est une prouesse scénaristique tentaculaire. D'autant plus que le jeune apprenti de Tony Stark a trouvé grâce à mes yeux puisque mon personnage favori de l'univers des Avengers était précisément Tony Stark. Au milieu de tout ça, le héros de The Amazing Spider-Man, une trilogie inachevée que l'on peine à appeler une trilogie, avait peu de chances. Toutefois, ne soyons pas mauvais avec Andrew Garfield qui propose une personnalité on ne peut plus intéressante, et dont les films se sont cassé la gueule à cause de sa production, et pas à cause de lui. Au contraire, je trouve que des trois, même s'il n'est ni le Bon et ni la Brute, il est tout de même le plus intéressant. Parlons enfin de l'Incertain !

En l'occurence, Amazing n'est pas vraiment le mot... Il n'est plus adolescent mais il n'est pas encore accompli, comme le Peter de Tobey. Ce dernier lui confie d'ailleurs "Ça peut prendre du temps... Mais ça viendra", pour le rassurer sur ses peines amoureuses. Le Spider-Man d'Andrew Garfield a perdu sa dulcinée, et son acteur n'a pas eu droit à une suite pour aborder sa reconstruction. Un schéma qui laisse le terrain à un Spider-Man dévasté depuis plusieurs années, mais sans avoir renoncer à son costume. "Je n'ai pas le temps pour trouver quelqu'un", dit-il, avec l'air de celui qui n'a pas vraiment cherché. Le comble de son désespoir est atteint lorsque le Peter Parker de Tobey lui dit "Tu es génial !" pour le contredire, et qu'il peine à le croire. Je ne sais pas pour vous, mais j'ai trouvé que le stéréotype du super-héros qui sait rebondir et va de l'avant a été déconstruit pour une forme de masculinité plus réaliste, et moins confiante. On aurait pu parler du Spider-Man à la retraite dans Spider-Man New Generation, mais celui-ci n'est pas vraiment en manque d'assurance, il a juste jeté l'éponge. C'est une sorte d'anti Tobey Maguire, et s'il a aussi perdu sa MJ, ce n'est pas tout à fait comme le personnage d'Andrew Garfield, qui reste fidèle aux principes de super-héros. Cet aspect d'âme brisée est peu présent chez des personnages masculins du MCU, à l'exception de Hawkeye dans la récente série qui lui est consacré... Mais contrairement à celui-ci, c'est un personnage confiant qui plus est père de famille. On pourrait parler de Bruce Wayne qui lui se situe dans l'univers des DC Comics, mais celui-ci a beau être brisé, il n'est pas moins charismatique, riche et plein d'assurance.

C'est un tout nouveau modèle que nous présente Andrew Garfield, et même s'il n'est pas mon Spider-Man préféré, je dois l'avouer : sa personnalité, et la masculinité qui s'en suit, est aussi séduisante qu'originale. Son personnage est toujours en évolution son histoire n'est pas achevée, et pour ma part, ce film m'a davantage donné envie de découvrir un potentiel The Amazing Spider-Man 3 plutôt qu'un énième épisode du Spider-Man du MCU, qui dispose déjà de sa trilogie et qu'il faudrait laisser tranquille.

Quitte à spoiler, autant y aller jusqu'au bout : visiblement, le prochain film Spider-Man n'invitera pas Andrew Garfield mais Tom Holland - dommage ! - et il s'agira vraisemblablement d'une nouvelle trilogie, selon les studios Marvel. Monsieur Holland aura donc droit à pas moins de 6 films, et cette suite conviera notamment Vénom à la fête... Sans Tom Hardy. Là aussi, dommage ! Un Tom vs. Tom aurait valu le détour, mais là, je passerai mon tour ! Enfin, j'essaierai. Je vous l'ai dit, Spider-Man, c'est mon talon d'Achille, mon Peter Pan (rker?) à moi, donc je ferai ce que je peux.

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