Brel et Aznavour : RAPoètes
avant l'heure

Retour sur les monuments que sont Charles Aznavour mais aussi Jacques Brel, des précurseurs de ce que l'on appelle la RAPoésie...

Par San Lebonobon

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Brel et Aznavour : RAPoètes avant l'heure

Il s'est éteint le 1er octobre 2018. Nous ne nous sommes pas précipité à écrire un article sur ce génie poétique et musical, il fallait d'abord faire le deuil. Mais voilà que la plume nous vient enfin au sujet de Charles Aznavour, l'un des derniers piliers d'une grande génération qui a vu des Edith Piaf et des Jacques Brel.

Aznavour a en effet marqué des générations d'artistes, et notamment des rappeurs. Ses musiques furent maintes fois samplées et utilisées pour des instrus de Hip-Hop. Dr Dre, Eminem et Xzibit avec "What's the difference" reprenaient ainsi "Parce que tu crois". Il y avait aussi Nas avec "The Firm", aussi produit par Dr Dre, qui reprenait le titre "À ma fille". Dr Dre, le plus grand producteur de rap américain de tous les temps, était ainsi marqué par Azanavour. Et pour cause : Charles était un RAPoète.

Le rap en France n'a pas commencé avec des rappeurs mais avec des RAPoètes avant l'heure : on pourrait citer trois grands noms comme Charles Aznavour, Jacques Brel ou encore Georges Brassens. Dans "Poker" de 1953, chanson dans laquelle Charles Aznavour raconte une partie de poker qui dérape, il s'exprime avec un flow étonnant, déjà rappé. C'est ce même MC Aznavour qui dévoile un featuring en 2008 avec Kery James dans son album éponyme. Dans cette chanson, le rappeur connu pour son engagement anti-système dénonce le boycott du rap par les médias français.

Lors d'une unique interprétation en live sur France 2, Charles Aznavour explique : "Les rappeurs et les slammeurs écrivent merveilleusement notre langue. On pense que cette jeunesse ne connait pas la chanson. Au contraire, elle la connaît très très bien. Mais elle veut s'exprimer d'une manière différente. Je trouve qu'il y a une floraison d'auteurs-compositeurs-interprètes rappeurs ou slammeurs qui sont formidables aujourd'hui".

Charles Aznavour était précurseur jusque dans les thématiques. Des textes polémiques avec "Comme ils disent" où il aborde l'homosexualité en se glissant dans la peau d'un gigolo. Sa prose aborde les plus grandes problématiques et sous tous les angles : l'amour et avec un lyrisme hors pair ("Mourir d'aimer", "J'en déduis que je t'aime", "Il faut savoir", "Par la peur de te perdre"...), le temps ("Hier encore", "La bohème", "Je ne peux pas rentrer chez moi"...) et même le succès avec une once d'égo-trip ("Je me voyais déjà").

Et tout cela ne va pas sans citer le grand Brel qu'Aznavour a connu. Le chanteur belge a été une source d'inspiration considérable pour des artistes modernes comme Stromae, ou pour le plus grand poète du 21ème siècle, Oxmo Puccino (d'ailleurs surnommé le Brel noir). Dans des titres comme "Ces gens là", l'expressivité et le flow de Jacques Brel a de quoi faire frémir les plus grands poètes. Il se distingue notamment dans "La valse à mille temps", déclamé en crescendo. Dans ce morceau, il atteint un débit qui pourrait impressionner Eminem lui-même.

C'est pour toutes ces raisons que le slammeur Grand Corps Malade, dans son chef d'oeuvre "L'heure des poètes", cite Aznavour, Brel et Brassens au milieu de noms comme Aragon mais aussi NTM et Kery James. Grand Corps Malade a d'ailleurs eu l'occasion d'accueillir Charles Aznavour sur l'un de ses disques "Tu es donc j'apprends", un titre qui traite du dialogue entre les hommes.

Finissons sur une strophe d'hommage de notre rédacteur en chef, Jonas Kerszner :

Ne dites pas qu'on s'en branle !

Le type a croisé Brel !

Ah, l'amour !

Une Muse que l'ont tient d'Aznavour...

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